Daniel Kaluuya face à l'état actuel du Cinéma. |
Chris et Rose sont ensemble depuis bientôt 5
mois. Couple dit mixte, leur relation est idyllique ; pour elle, il est
donc temps de présenter Chris à ses parents. Pour lui, l’heure du doute a
sonné :
« tes parents savent-ils que je suis black ? »
C’est
sur cette interrogation que Jordan Peele, réalisateur débutant mais humoriste
chevronné aux States, installe l’atmosphère pesante de son œuvre.
Car
une fois arrivé dans sa belle famille, la paranoïa naissante de Chris n’en
finira plus de le ronger même s’il deviendra rapidement évident pour le
spectateur que quelque chose ne tourne pas rond dans cette famille.
Un
malaise bien tangible d’un bout à l’autre des 104 minutes de métrage sur lequel un type de racisme « passif » fait loi.
Mais
oui, vous le connaissez, c’est celui où les gens font preuve de discrimination
sans s’en rendre compte et pensent même être plutôt « aimables ».
Un embarras
qui permet au cinéaste d’exploiter pleinement le sens premier de la xénophobie,
mettant l’accent sur le côté phobique engendrant la haine envers son
prochain.
Ainsi,
aucun dialogue de Get Out n’est vain et le script use habilement de la
répétition de répliques qui, sortant de la bouche d’un personnage auront un
tout autre sens une fois exprimées par un autre protagoniste.
Par
là même, le film prend des allures de kaléidoscope fait de cristaux Noirs et
Blancs qui s’entremêlent et mettent à mal les évidences puisqu’on sent que tout
pourrait basculer au détour d’un simple regard ou d’un geste mal perçu.
Jordan
Peele prend alors un malin plaisir à se jouer de nos attentes tout en faisant
régner un climat des plus inquiétants, de sorte que nous soyons inévitablement
à cran et cloués à notre siège comme le personnage principal au cours du
premier acte.
Une
ambiance couplée à un traitement jusqu’au-boutiste des thématiques qui n’est pas
sans rappeler les meilleurs épisodes de La Quatrième Dimension.
Aussi,
la satire permet-elle au réalisateur de se payer le luxe de parsemer son
long-métrage d’éléments comiques sans jamais désamorcer totalement la tension dramatique.
Détourner ici les codes de la comédie familiale en plus de ceux liés au genre horrifique
pour s’en servir de plate-forme équilibrée sur laquelle donner vie à ce thriller au
cachet unique...semble d'une facilité déconcertante.
Bien
sûr, le casting n’est pas en reste mais c’est le jeune Daniel Kaluuya qui
envoûte complètement cette œuvre grâce à sa performance habitée. L’acteur
britannique déjà brillant dans le second épisode de la série Black Mirror
prouve une nouvelle fois qu’il est l’un des talents sur lesquels il faudra inévitablement compter.
Une
prouesse contrebalancée avec brio par le magnétisme d’Allison Williams, dont la prestation en tant que Rose restera
également mémorable à sa façon.
Mais
criera-t-on au chef-d’oeuvre?
Certes
non. On pourra lui reprocher une bande-originale qui oscille entre le subtil et
le caricatural (au contraire du film en lui-même), ou encore une fin peut-être
un poil expédiée où l’on passe d’un
point A à un point B en ligne droite sans se poser aucune question…mais
l’angoisse y atteint un tel paroxysme qu’on lui pardonnera aisément ce rush
final pour une première réalisation (!).
Globalement,
il paraît donc clair que le metteur en scène américain cherche avant tout à nous
divertir, à nous faire vivre une expérience sensorielle, à fleur de peau, pour
mieux nous marquer au fer rouge par la suite et susciter le débat sur son
sous-texte osé, si subtilement distillé qu’il en devient ravageur.
Au
passage, Get Out met d’ailleurs un bon gros pied dans les noix de Django
Unchained avec son propos de revenge
movie totalement gratuit et bas du front, Jordan Peele donnant une leçon
d’écriture à Quentin Tarantino, en toute humilité.
Il se montre effectivement capable
de mettre à l’épreuve sa propre lucidité en adoptant un ton fantasque et vice-versa,
tel un véritable funambule là où Tarantino ne se dressait qu’en vulgaire
cracheur de feu libérateur.
Thriller
horrifique teinté de satire sociale avec pour toile de fond la discrimination
raciale et secouant les cages dorées de l’histoire
américaine, Get Out est certes un pamphlet propice à la vive discussion mais
plus encore : c’est un film inattendu, qui nous bouscule sans
crier gare.
Il fait
temporairement revivre un cinéma de genre qui ne doit son agonie qu’à ceux qui
vont exactement là où on les attend, quitte même à déféquer sur leur propre
univers filmique (tel Ridley Scott et son dernier Alien convenu…à moins que ce ne soit Covenant).
Soyez
curieux, vous (n’)en ressortirez (pas in)différents.
Note : 9 /10
Conseillé...
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Déconseillé...
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-A ceux qui n'ont plus vibré depuis longtemps devant un thriller.
-A ceux qui apprécient les films qui ont un propos derrière.
-A ceux qui n'attendent plus rien de ce 1er semestre cinématographique en demi-teinte.
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-A ceux qui attendent absolument un film d'horreur à en faire des cauchemars.
-A ceux qui n'ont pas du tout envie de s'interroger en sortie de séance.
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