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"I amar prestar aen. Le monde a changé." |
A l’origine, votre serviteur avait prévu de consacrer une émission au dernier Hobbit, une vidéo que j’imaginais pleine de louanges sur cet aboutissement mais aussi remplie de nostalgie au moment de dire au revoir à cet univers. Il n’en sera rien. Rien du tout même puisque bosser deux jours entiers sur le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées, même pour en dire tout le mal possible, serait une perte de temps colossale compte tenu du manque de respect de Peter Jackson pour ses fans de la première heure.
Un billet
critique fera donc beaucoup mieux l’affaire pour mesurer l’ampleur des dégâts
tout en évitant de verser dans un règlement de comptes digne d’une rupture
douloureuse, car oui, vous avez ici affaire à un adorateur du Seigneur des
Anneaux et de Tolkien…la chute n’en est par conséquent que plus dure.
Ainsi,
le film s’ouvre directement là où le précédent nous avait laissé : délogé
de sa litière dorée, Smaug fonce sur Lacville pour y déverser son courroux
enflammé. Un duel s’engage alors entre lui et le porteur des derniers espoirs
humains, Bard, ceinture noire de tir à l’arc mais médaille en chocolat de
charisme, on y reviendra. Pendant ce temps, Bilbon et les Nains scrutent tous
d’un regard coupable et impuissant cette lutte déséquilibrée qui se déroule au
loin. Tous, sauf leur leader Thorin qui n’a d’yeux que pour les richesses
récupérées en ayant reconquis Erebor, la Montagne Solitaire qui abritait jadis
le peuple Nain. Une obsession qui aboutira sur d’immenses tensions qui
pourraient bouleverser le sort de la Terre du Milieu.
Et
c’est avec un mélange de surprise et de déception qu’on assiste à la première
vraie cassure par rapport aux cinq autres films de la saga, à savoir l’absence
de vrai prologue mettant en place un pan de l’intrigue jusqu’ici resté dans
l’ombre ; cette fois, nous débarquons directement dans l’action et même si
ce choix est loin d’être impardonnable, il remet en question la structure même
de cette trilogie ; en effet, comment justifier la fin en cliffhanger de
la Désolation de Smaug si c’est pour expédier tout ce qui touche au dragon en
moins de 10 minutes dans le dernier volet ? Aucune raison narrative
ne nous saute aux yeux alors que les raisons commerciales, elles, nous
bondissent au visage : laisser le spectateur sur sa faim avec une suite en
point de mire est plus facile et juteux que de se creuser la tête pour essayer
de donner envie au public de revenir en salle une fois l’intrigue du dragon
bouclée.
Travailler
moins pour gagner plus est ainsi l’adage que Peter Jackson semble avoir adopté
pour mener à bien son ultime incursion en Terre du Milieu, puisqu’après cette
scène d’introduction aussi courte qu’efficace, on se retrouve rapidement devant
un objet cinématographique faisant la part belle aux images de synthèse pour illustrer tout et
n’importe quoi, tant et si bien qu’on se
surprend à penser aux jeux vidéos de la
génération passée plutôt qu’aux grands films de la même époque.
Quand les
idées sont là, la forme n’y est plus…car le père Jackson n’en a décidément pas
assez de nous gaver de créatures digitales, il use et abuse aussi de mouvements
de caméras amples, virevoltants et répétitifs (ce travelling circulaire…) dans
des décors qui n’ont de Néo-zélandais que la marque du fond vert utilisé pour
leur donner vie.
Et
quand il se lasse d’utiliser sa caméra comme un enfant jouerait avec son drone
dernier cri, il met un point d’honneur à filmer ses héros au plus près,
étouffant le film de leur visage en plan serré là où on aimerait que le cadre
respire et laisse se déployer le souffle épique d’une telle aventure, pourtant
bien présent lors des précédents volets.
Un
résultat d’autant plus frustrant lorsque chaque bonne trouvaille semble trouver
à l’écran son contrepoids négatif, on pense notamment à la folie de Thorin,
brillamment interprétée par Richard Armitage mais qui perd en subtilité au
moment où on le fait parler au ralenti avec la voix du dragon en écho, ou
encore dans cette scène d’introspection où tous les sons entendus ne sont
que répétitions des répliques du long métrage en cours.
Mais on
touche véritablement le fond lorsque débutent les hostilités entre armées et
qu’on constate avec stupeur que seuls les figurants jouant les humains sont
réels, que toute l’armée elfique est formée de clones informatisés tout comme
celle des Nains et des orques. Même l’apparition de Daïn, le cousin de Thorin
attendu par la Compagnie comme un messie de guerre, est un pétard mouillé dès
qu’on constate que l’acteur l’incarnant
a été complètement remplacé par une doublure animée tel un personnage sorti de
chez Pixar.
Et
pourtant, même en passant outre les manges-terre, le troll-kamikaze, les
demi-trolls et autres idées saugrenues sortis de l’imagination peu scrupuleuse
de Jackson en mode King Kong, La Bataille des Cinq Armées reste ce fatras
impersonnel, dénué de ces petits rôles secondaires qui offrent un point de vue
frais sur l’horreur d’une guerre où surnagent des héros qui en font trop pour
exister, alors qu’ils sont les seuls à avoir une personnalité propre.
Inutile ? Non, carrément paradoxal.
Le seul
point de vue extérieur que nous aurons est ainsi celui du conseiller- ou plutôt
du bouffon- du Maître du Lac, Alfrid, qui ne se contente pas d’apporter une
touche d’humour aussi grasse que son supérieur mais qui dédramatise tellement
le film que l’émotion en ressort puissamment émoussée, pour ne pas dire
annihilée.
On en
vient donc à se demander si Peter Jackson ne s’est pas goinfré aux Avengers
pendant ses congés au point de s’en inspirer, puisque même l’action est
tellement over-the-top qu’on ne sait plus si on doit en rire ou en pleurer, à
l’image d’un Legolas qui ne tient plus en place au point de voler la vedette au
roi des Nains au détour d’un match de Mortal Kombat contre le capitaine des
orques.
Le roi
des Nains, la vedette ? Mais le Hobbit alors ? C’est là l’un des
autres soucis de l’oeuvre. Car si Bilbon est bel et bien décisif et fait partie intégrante des meilleurs moments du film, son aura grandissante est étouffée par la
démesure du reste.
De
plus, Martin Freeman, bien que touchant dans l’ensemble, fait de ses éternelles
petites hésitations un tic de jeu un peu trop théâtral pour un acteur de son
calibre.
Et pour
aborder le reste du casting, seul Richard Armitage tire vraiment son épingle du
jeu en Thorin puisque les autres personnages sont soit totalement inexploités
(la plupart des Nains), paumés (pauvre Gandalf, qu’ont-il fait du Magicien aux
belles répliques?), ou stéréotypés ; faire de Bard un simili-Aragorn sans
la prestance de Viggo Mortensen est suicidaire, tout comme l’évolution de
Tauriel, passant d’elfe guerrière rebelle à demoiselle en détresse aux
dialogues sirupeux, est l’une des pires idées des scénaristes de l’hexalogie.
Des
héros aux destins plutôt hasardeux, puisque bon nombre d’entre eux ne
connaissent pas de fin satisfaisante ou ne vont même pas au bout de ce pourquoi
ils étaient là (« Thranduil et le mystère des gemmes oubliées »),
qu’il s’agisse d’ailleurs de personnages présents dans Le Seigneur des Anneaux
ou non. Leur sort sera-t-il réglé dans la version longue sortant l’année
prochaine ? Difficile d’en savoir plus pour le moment.
Que
retiendra-t-on donc de ce Hobbit : La Bataille des Cinq Armées ? En un mot
comme en (deux ou trois) cent(s) : un gâchis. Après un excellent Voyage
Inattendu et une trépidante Désolation de Smaug, cette douche froide de 2h24
demeure difficile à encaisser même si tout n’y est pas à jeter : on
sauvera malgré tout l’attaque de Smaug, l'incarnation de la folie de Thorin et la fin du film,
un joli (mais amer) retour aux sources.
Au
final, après treize années d'émotions en tous genres, on restera seulement nostalgique d’Aragorn et de la Communauté, de ce
qu’était la Terre du Milieu au début de ce siècle, de la partition jadis inspirée
d’Howard Shore, « du goût des fraises et de Rosie
Chaumine »...
Note :
Un
Voyage Inattendu : 9,5/10
La
Désolation de Smaug : 8,5/10
La
Bataille des Cinq Armées : 5/10
Le roi
est mort, vive Tolkien.
Conseillé...
|
Déconseillé...
|
- Aux
spectateurs qui n’en ont rien à cirer de « l’esprit Tolkien ».
- Aux
amateurs d’action et d’humour à la Marvel.
- A
ceux qui aiment King Kong de Peter Jackson.
- A
votre pire ennemi ?
|
- Aux
fans du Seigneur des Anneaux.
- A
ceux qui aiment les films organiques, avec de vrais décors et de vrais
figurants.
- A
ceux qui s’attendent à être émus.
- A
ceux qui pensent que la prélogie Star Wars était une trahison...vous n’avez
encore rien vu.
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Illustration de Clément Bastie
"A ceux qui s’attendent à être émus."
RépondreSupprimerC'est clair qu'on peut toujours attendre...
Je suis d'accord avec toi et tu connais ma position.
Par contre "CE travelling circulaire…"
Il t'a apparemment plus marqué qu'à moi. C'est quel plan ?
Salut Lou'Ny!
SupprimerJe parle tout particulièrement du début du film où, plusieurs fois, Jackson pose la scène en faisant un travelling circulaire...Il y en a 3-4 assez rapprochés dans les 15 premières minutes et c'est la répétition qui m'a choqué.
Cependant, je suis maintenant incapable de te citer les plans précis parce que mon esprit semble effacer assez rapidement ce navet de ma mémoire, à a base je suis du genre à me souvenir des petits détails qui tuent....mais là non, le film est en train d'en disparaître ^^.
Pour te situer, je me souviens juste d'un travelling circulaire au moment où Bilbon se retrouve seul sur une muraille à l'exterieur, qu'il s'assoit et qu'il sort l'Arkenstone de sa poche; et bien son arrivée à cet endroit est montrée avec ce genre de travelling là par exemple. Mais il y en avait 2-3 déjà avant cette scène, rendant sa manière de réaliser quelque peu "automatisée".